COMMUNIQUÉ DE PRESSE - SFDP
INSTITUTS DE BEAUTÉ ET COSMÉTIQUES CHEZ L’ENFANT
La Société Française de Dermatologie Pédiatrique (SFDP) a été interpelée face à la multiplication récente en France d’instituts de beauté pour jeunes enfants, et du risque éventuel des pratiques esthétiques employées, ainsi que des produits cosmétiques utilisés.
Il convient donc de rappeler certains principes d’utilisation des cosmétiques et des risques qui y sont associés.
Les produits cosmétiques font l’objet d’une réglementation rigoureuse au sein de l’Union Européenne, afin que ces produits aient la meilleure garantie de sécurité. Cependant il n’existe pas à ce jour de réglementation définissant les cosmétiques spécifiquement destinés à l’enfant. Il existe seulement des substances et ingrédients interdits chez l’enfant [1]. Les risques habituels des cosmétiques pour la peau comportent : la sensibilisation allergique, les irritations non allergiques, et la photosensibilisation (sensibilisation à la lumière solaire). Certaines substances à usage cosmétique appliquées sur la peau, les ongles ou les cheveux peuvent aussi avoir des conséquences néfastes sur d’autres organes par diffusion à travers la peau ou par l’ingestion de ces produits, chez l’enfant.
Les substances reconnues comme allergisantes ou photosensibilisantes sont interdites par la réglementation européenne. Toutefois, une sensibilisation à des substances autorisées peut se développer. Un principe de bon sens est donc d’éviter d’appliquer sur la peau des produits qui n’y sont pas nécessaires. Un dispositif national de cosmétovigilance [2], du ressort de l’ANSES1 (et auparavant de l’ANSM2) permet depuis 2004 la déclaration et le recensement d’effets indésirables auparavant non détectés. Le risque pour la santé de ces produits est ainsi mieux apprécié, ce qui permet de meilleures mesures de prévention et de protection.
Certains ingrédients cosmétiques sont soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens [3]. Le risque de ces substances est pris en compte lors de l’évaluation de la sécurité des ingrédients et produits cosmétiques par le comité scientifique pour la sécurité du consommateur (CSSC) de la Commission Européenne. Il rend ses conclusions, après étude des données toxicologiques, sous forme d'un « avis » sur lequel la Commission s'appuie pour définir la réglementation des cosmétiques, y compris dans les populations vulnérables telles que les enfants. Les effets éventuels des différentes substances cumulées restent à apprécier.
L’utilisation de « cosmétiques bio » n’est pas une garantie de meilleure sécurité sanitaire. Un produit étiqueté comme biologique est un produit agricole ou alimentaire issu de l’agriculture biologique, répondant aux exigences de la législation européenne. Les cosmétiques ne relèvent pas de cette législation, ni de la certification bio européenne. Les logos, mentions, ou labels apposés sur ces produits ne relèvent que de certifications privées ou associatives [4].
Les huiles essentielles sont des mélanges complexes de substances chimiques d’origine naturelle, extraites d’une matière première végétale. Elles sont déconseillées aux enfants et aux femmes enceintes en raison de la présence de substances potentiellement neurotoxiques ou toxiques pour le fœtus ou l’embryon. Elles doivent toujours rester hors de portée des enfants et ne jamais être rangées avec les produits de soin des nouveau-nés et nourrissons, car cela augmente les risques de confusion, notamment avec des flacons de vitamine D, et d’ingestion malencontreuse [5]. Il faut rappeler que les produits dits « naturels » ou « issus des plantes » ou « sans additifs ni conservateurs » ne sont pas
synonymes de « sans danger ».
Les actes esthétiques pratiqués dans des instituts de beauté ne sont pas non plus dénués de risques. Ainsi, en 2024, l’ANSES a alerté sur des produits de lissage capillaire à base d'acide glyoxylique en raison de plusieurs cas rapportés d’insuffisance rénale liés à ces produits [6]. De même, l’ANSM a déconseillé en 2016 la pose d’ongles artificiels avant l’âge de 16 ans [7]. Elle a émis en 2021 une alerte sur le risque de brûlure thermique causé par les colles cyanoacrylates utilisées pour la pose d’ongles artificiels lors de projection sur des textiles au contact de la peau [8].
La multiplication des instituts de beauté pour enfants invite aussi à s’interroger sur les conséquences psychologiques de telles pratiques sur le développement de l’image de soi chez l’enfant. L’érotisation de l’image de l’enfant est ainsi banalisée de façon préoccupante.
En conclusion, en dehors de maladies dermatologiques, la peau de l’enfant est une peau qui n’est ni trop sèche, ni trop grasse, ni rouge, ni ridée, et qui ne nécessite rien d’autre pour son entretien courant qu’une toilette à l’eau avec un produit nettoyant doux, en rinçant et en séchant bien, afin de respecter la fonction barrière de la peau. Il n’y a aucune « routine beauté » à conseiller chez l’enfant, en dépit de messages marketing largement diffusés. Enfin, comme tout produit, les cosmétiques doivent être utilisés correctement et avec parcimonie, afin de limiter la survenue chez l’enfant d’effets indésirables liés ou non à un mauvais usage.
Références
[1] Couteau C, Coiffard L. « Sephora kids » : pourquoi les cosmétiques ne doivent pas être utilisés par les enfants.
The Conversation 2024. https://theconversation.com/sephora-kids-pourquoi-les-cosmetiques-ne-doivent-pasetre-utilises-par-les-enfants-226429
[2] Cosmétiques et produits de tatouage : deux nouvelles vigilances pour l’Anses. Vigil’Anses n°23, juillet 2024.
https://vigilanses.anses.fr/sites/default/files/VigilAnsesN23_.Juillet2024_Cosmetovigilance.pdf
[3] Sécurité des produits cosmétiques et perturbateurs endocriniens. https://www.febea.fr/articleingredient/securite-produits-cosmetiques-perturbateurs-endocriniens
[4] Labels bios : comment vous y retrouver ? https://www.economie.gouv.fr/particuliers/comprendre-labelsbios#
[5] Huiles essentielles : à utiliser avec précaution ! Vigil’Anses n°24, décembre 2024.
https://vigilanses.anses.fr/sites/default/files/VigilAnses_N24-V2.pdf#page=6
[6] Alerte sur les risques liés aux produits de lissage pour cheveux contenant de l’acide glyoxylique (15/10/2024).
https://anses.fr/fr/system/files/press-2024-08.pdf
[7] Pose d’ongles artificiels : l’ANSM informe sur les risques et les précautions à prendre.
https://ansm.sante.fr/actualites/pose-dongles-artificiels-lansm-informe-sur-les-risques-et-les-precautions-aprendre
[8] Colles pour faux ongles : un risque de brûlures thermiques graves. Vigil’Anses n°13, mars 2021.
https://vigilanses.anses.fr/sites/default/files/VigilAnsesN13_Collesfauxongles.pdf
1 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
2 Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Publié : 03/02/2025
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